« Désire tout ce que tu as et tu as tout ce que tu désires. » (1)
Je ne m’attendais pas du tout à observer, dans les circonstances qui se sont présentées à moi il y a quelques jours, cette mise en pratique originale du deuxième niyama du Yoga Sutra de Patanjali : samtosha, le contentement. Je déjeunais avec une amie que je n’avais pas vue depuis plusieurs mois car elle travaille dans la publicité, domaine où le repas passe parfois après le travail… Je me régalais de ma quiche d’épinards, lorsqu’elle m’a annoncé tout de go qu’elle était en train d’irrémédiablement et rapidement perdre la vue. Passé le moment d’émotion, puis celui des questions et des réponses, ce qui m’a frappée
c’est le moyen qu’elle s’est donné pour traverser ce qu’elle a à vivre actuellement : l’humour. Pour l’illustrer, voici une courte anecdote qu’elle m’a relatée, avec une étincelle mutine dans ses yeux qui sont en train de mourir : un jour où sa fille cadette avait dit une énorme bêtise (un chapelet de gros mots tels que les adolescents sont parfois capables de dérouler à une vitesse vertigineuse et avec une force de voix surprenante), elle lui fit un clin d’oeil et lui rappela que c’était des yeux dont elle souffrait, pas des oreilles ! Sa fille a éclaté de Rire et elle aussi ! N’est-ce pas un bel exercice de bonheur ? Du fond du coeur je lui dis merci car, sans qu’elle n’ait jamais pratiqué le yoga, elle, qui fait partie d’un monde que j’ai souvent jugé superficiel et vain, m’a donné, le temps d’un repas partagé et de l’annonce d’une maladie grave, une sacrée bonne leçon de contentement … et, pas une miette n’est restée dans notre assiette !

Marylène Praz

(1) Patañjali, Yoga-Sutras, Spiritualités vivantes, Editions Albin Michel, 1991, Sâdhana Pâda, II.42, commentaire, p.107.