Lors d’un récent voyage dans le Sultanat d’ Oman, je suis tombée sur une rubrique qui, dans une feuille de chou très locale, donnait la parole à des jeunes étudiants. L’un d’entre eux y écrivait ces quelques lignes qui m’ont frappée et que je vous traduis ici : « Chaque matin, avant de partir au travail, je mets mon masque, comme tout le monde. Dehors, partout, je vois des masques. Ils avancent dans toutes les directions et sont différents. Certains sourient, d’autres pleurent, d’autres encore sont sans expression. Chacun fait tout ce qu’il peut pour améliorer son masque, mais personne ne sait pourquoi. Chacun sait que les autres en portent, mais feint de l’ignorer. Personne ne sait ce qu’il y a derrière. Personne ne sait même ce qui se cache derrière son propre masque »(1).
La vie ressemble en effet à une grande pièce de théâtre où chacun joue des rôles qui lui ont été imposés (par son éducation, son milieu, sa culture, son métier…) ou qu’il s’est imposés à lui-même (par son mental, ses souvenirs, son émotivité, ses peurs, ses désirs…). Tous ces conditionnements personnels et collectifs nous séparent les uns des autres et de nous-mêmes. Derrière ces masques que nous voulons parfaits, savons-nous qui nous sommes dans notre essence ? La vie n’est-elle vraiment que ce grand théâtre ? Ne suis-je que ce corps, cette somme d’expériences, de souvenirs et d’émotions ? Sinon, qui suis-je ? Au-delà de nos croyances, nous sentons bien qu’il y a là un mystère. Et lorsque, loin du regard des autres, il nous arrive de nous dépouiller de nos masques
pour sonder notre moi profond, peut-être avons-nous le pressentiment d’une réponse.
Il nous faut pourtant accepter de n’avoir aucune certitude.
Alors pourquoi ne pas rester dans une ouverture confiante à l’inconnu et donc à la « toute possibilité »(2) ?

Nicole Eraers

(1) Sandu Thirasaranee Jayasinghe, Grade X, Sri Lankan School Muscat
(2) Qui suis-je ? La quête sacrée, Jean Klein, p.14, Spiritualités vivantes, Albin Michel, 1989